Numéro 10 : La Loi du Marché
Ce film a beaucoup fait parler de lui, et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, il met en scène un excellent Vincent Lindon (d'ailleurs primé à Cannes pour sa superbe prestation) incarnant un chômeur longue durée qui évolue au sein d'un décor où tous les autres rôles sont joués par des femmes et des hommes qui ne sont pas acteurs professionnels, mais qui exercent dans la vie le métier ou la fonction qu'ils incarnent à l'écran. Il faut ajouter à cela le fait que Stéphane Brizé n'a donné que des lignes directrices à Vincent Lindon avant chaque scène, lui disant juste ce qu'il faut de contexte et de direction à prendre pour orienter le comédien, libre du choix du cheminement et de la tournure des évènements. Dès la séquence d'ouverture, ce chômeur nous confronte à la réalité de Pôle Emploi : les conseillers aussi ont des objectifs et doivent "vendre" des formations, ce qu'ils font même en sachant qu'elles n'auront aucun impact sur l'avenir des gens qu'ils suivent. Lindon finit par accepter un job dans la surveillance en grande distribution. Or, si réprimander les petits vieux qui volent un steak par manque d'argent s'avère fort difficile, s'attaquer à ses collègues qui volent des bons de réduction relève de la mission impossible, et remet en cause la dignité et les valeurs fondamentales de fraternité de l'individu chargé de rapporter cet acte au sommet de la pyramide hiérarchique. Le ton est grave, la caméra est neutre, donne presque dans le documentaire. On se rend compte que les petites phrases toutes faites ont la vie dure mais qu'elles cassent le moral et peuvent détruire un homme. Puissant et marquant, ce film laissera une trace et mérite d'être vu.
MA NOTE : 3/4
Numéro 9 : Dheepan
Il faut attendre en moyenne 3 ans et demi entre chaque film de Jacques Audiard. Le meilleur réalisateur français avait atteint le zénith en 2009 avec son chef-d’œuvre, Un Prophète, et son dernier film, De Rouille et d'Os, avait marqué les esprits. Dheepan commence comme un documentaire, d'ailleurs d'actualité, sur des Sri-lankais qui tentent de fuir leur pays en guerre pour rejoindre la France. Un homme s’unit à une femme qui n'est pas sa femme et à une fille qu'il n'a jamais vue non plus pour former une famille et ainsi augmenter leurs chances d'être acceptés en tant que réfugiés politiques dans cette situation plutôt que séparément. Le côté documentaire dure pendant la moitié du film, jusqu'à ce que la simili-soit installée dans une citée des plus déprimantes. L'homme est instauré concierge de la cité HLM et prend à cœur de bien faire son travail pour s'intégrer dans la société et tirer un trait sur son passé, quitte à accepter une situation que peu d'entre nous tolèreraient. La femme doute, s'essaie à l'assistance aux personnes, et parait peu solidaire de ses compagnons de voyage. Surtout, elle a peur. Cette peur qui ne la quitte pas est accentuée par sa rencontre avec le caïd de la cité, qui flirte gentiment avec elle et fait planer une menace de plus en plus palpable sur sa "famille". C'est que le mari est prêt à accepter beaucoup de choses, dont un travail humiliant, mais pas la violence quotidienne qui vient menacer la vie de ceux dont il a appris à prendre soin. Ces trois-là n'ont pas tout quitté à des milliers de kilomètres pour revivre la même situation en France. Et, alors que monsieur fait savoir à tous sa volonté de ne plus se faire marcher sur les pieds, le film prend une nouvelle tournure. De documentaire romancé, il devient polar. La transition est extrêmement courte et intervient comme un coup de feu qui secoue le spectateur sorti de la monotonie dans laquelle Audiard semble nous avoir mis volontairement. Comme pour faire mouche avec plus d'intensité. La pression est à son comble, les enjeux sont clairs, et l'incertitude quand à l'issue est la plus totale. Coup de maitre, coup de fouet, coup de cœur, l'homme au chapeau réussit ses coups. Certes, le film n'est pas aussi bon que les précédents car le rythme n'y est pas pendant toute la longueur, mais le film marque et laisse une trace, en nous offrant de vraies belles séquences. Et c'est bien ce qui compte, non ? Et puis, les acteurs sont remarquables, nous offrant des prestations de haute volée.
MA NOTE : 3/4
Numéro 8 : La Résistance de l'Air
Ce film est le premier long-métrage de Fred Grivois, qui bénéficie pour débuter d'un casting XXL avec les très talentueux Reda Kateb, Johan Heldenbergh et Ludivine Sagnier, tous excellents dans leur rôle. Le film nous montre, avec brio et à l'aide d'un timing parfaitement maitrisé, comment une personne possédant un talent hors du commun peut être poussé à l'utiliser pour faire le mal, alors qu'il est a priori quelqu’un de bien. Ce thème n'est évidemment pas novateur, mais il est ici fort bien traité, ce qui n'est pas toujours le cas. Il faut d'abord un contexte favorable, puis une sorte de gourou qui va faire le psy et s'avérer présent dans les moments difficiles, puis un appât, et enfin une mission. La dégringolade est également fort bien filmée, dans une atmosphère ni trop lourde ni trop quelconque, juste le milieu idéal pour qu'on sente un danger planant au dessus de la tête du personnage principal. Belle surprise, super premier film, et l'on attend la suite de ce nouveau réalisateur !
MA NOTE : 3/4
Numéro 7 : Mad Max : Fury Road
Peu importe que vous ayez vu ou non la première trilogie amorcée en 1979. Si vous l'avez vue, peu importe que vous l'ayez appréciée. Une pelleté de détraqueurs aurait sans aucun doute jailli pour fustiger le fait que le film soit bien différent de ses prédécesseurs s'il avait été le fruit d'un réalisateur différent, mais voilà, ce n'est pas le cas. C'est bien George Miller himself qui est aux commandes du quatrième volet de son œuvre. Il a eu la bonne idée d'adapter son propos à l'époque et de changer le ton de son histoire. D'ailleurs, l'histoire est réduite au minimum pour laisser place à une gigantesque course poursuite en plein milieu d'un désert de sable dans un monde post-apocalyptique hostile où les humains se battent pour avoir accès à l'eau. Chalize Theron, en leadeur de l'armée du tyran local, trahit son supérieur pour sauver les quelques femmes qu'il détient dans son harem ainsi que sa propre peau et se fait la malle à bord d'un long convoi. Bien évidemment, les méchants ne se laissent pas faire, et se lancent à la poursuite des femmes, avec la présence, malgré lui, de Mad Max, joué par un timide Tom Hardy, pas à son meilleur. Celui qui crève l'écran, en revanche, c'est Nicholas Hoult, absolument excellent dans son rôle de petit soldat kamikaze aveuglé par la soif de postérité. Le film est en fait un gigantesque spectacle de son et lumière, et en ça, il excelle. Les images sont splendides, les cascades sont spectaculaires, et toute cette chorégraphie esthétique se fait accompagnée de bonnes idées réparties ici et là, à l'image du joueur de guitare électrique, rythmant l'action comme le faisaient il y a des siècles les romains dans les galères, à l'aide de tambours. Magistral.
MA NOTE : 3/4
Numéro 6 : Broadway Therapy
Dix ans après sa dernière réalisation Peter Bogdanovich, un vieux de la
vieille, enfile de nouveau le tablier et nous propose un petite comédie à
l'ancienne, où les gags sont basés sur de l'humour que je qualifie de
"situationnel". Un humour international donc, et trans-générationnel,
qui fait aussi fi des religions et des appartenances ethniques ; idéal
pour rire en famille, avec son banquier juif et sa nounou portugaise.
Très semblable aux comédies de Woody Allen, le film va même jusqu'à
avoir une simili Scarlett, qui n'a d'ailleurs rien à lui envier
(physiquement tout du moins), en la personne d'Imogen Poots, absolument
délicieuse. On rit, on est dépaysé, les acteurs sont bons et il n'y pas
de chute de rythme. Bref, un bon moment de détente et de plaisir.
MA NOTE : 3/4
Numéro 5 : Everest
Cette fin d'année nous propose le grand retour des "Survivals", ce genre
de films où le personnage principal doit survivre parmi un
environnement hostile. ici, ce n'est pas un mais des personnages que
nous suivons. Il s'agit d'une histoire vraie, mais la bonne chose réside
dans le fait que personne (ou presque) n'en connait les détails, et
donc le spectateur lambda conserve tout le suspense en entrant dans la
salle. Nous sommes en fait ici en présence d'un groupe de touristes et
de leur guide alpiniste qui partent en expédition au sommet de
l'Everest. Tous sont entrainés, tous ont leurs raisons qui les poussent à
l'exploit, et tous ont payé cher pour participer à cette aventure
inoubliable. Après une demi-heure de présentation des personnages un peu
longuette, avec des portraits un tantinet stéréotypés, on entre dans le
vif du sujet. Le casting est XXL, avec notamment des prestations à
souligner de la part de Jason Clarke, Josh Brolin et John Hawkes.
Certains reprochent au film le côté lisse et moutons bien élevés des
touristes ; je loue en revanche le scénario de nous épargner de
traditionnels épisodes de rébellion. Le film n'en a à mon avis pas
besoin. Le paysage magnifique, saisissant, bien épaulé par les effets
spéciaux très justes, nous plonge dans l'atmosphère. Nous sommes avec
eux et partageons leur vertige et le froid ambiant. Et puis, alors que
les difficultés vont croissant, nous ne pouvons que contempler la beauté
que représente la solidarité, la fraternité et la détermination à se
battre de ces alpinistes confirmés. Je prends pour exemple ce personnage
qui, après avoir atteint le sommet et entamé sa descente vers le
campement, est le seul à capter le signal de détresse de deux camarades
coincés plus hauts. Il sait qu'il risque sa vie s'il remonte, sans
aucune garantie de sauver les camarades en question, alors que le
campement est tout à fait atteignable, et qu'il y sera en sécurité. Tous
ces moments font chaud au cœur, et contrastent avec l'austérité
ambiante. C'est beau, c'est fort, c'est marquant et ça fait du bien. Une
vraie réussite.
MA NOTE : 3/4
Numéro 4 : Dope
Inglewood est l'un des quartiers les plus chauds de Los Angeles, et donc
des USA. Il sert de cadre au film qui met en avant trois jeunes amis
lycéens afro-américains confrontés au quotidien de la vie là-bas, qui
n'a rien de banale pour le spectateur français. Le film nous offre un
subtil mélange des meilleurs choses qui filtrent de ce genre de
quartiers, avec la crème de la crème du HIP HOP, représentée ici par le
meilleur rappeur de ces 5 dernières années, A$AP Rocky, qui
interprète un dealer au cœur tendre par qui l'intrigue va se présenter à
Malcolm, personnage principal ; l'on trouve aussi des styles qui
pourraient sortir tout droit de GQ, de l'humour qui fait mouche
et une atmosphère bien particulière qui donne la patate et nous fait
sortir de la salle en ayant à l'esprit que tout est possible. Aussi, le
long-métrage tord le cou à certains préjugés, au travers de situations
plus originales et ubuesques que l'on pourrait imaginer. C'est LE vent
de fraicheur de 2015, LE film qui fait du bien, à faire tourner en
boucle dans les soirées décontractées entre amis.
MA NOTE : 3/4
Numéro 3 : Le Pont des Espions
Il nous aura fallu attendre trois ans entre Lincoln, dernier film de
Spielberg, et celui-ci. Trois longues années dont le réalisateur le plus
connu au monde avait sans doute besoin pour souffler, lui qui avait
enchainé les navets entre Tintin, Indiana Jones ou Cheval de Guerre.
Il a donc eu le temps de préparer son retour, et le fait avec un film
sur la guerre froide, soit une atmosphère tendue qu'il affectionne et où
il est tout à fait capable d'exceller. Aussi, il retrouve son comparse
du Soldat Ryan, Tom Hanks, absolument parfait dans la peau de James
Donovan, avocat d'affaires envoyé en Allemagne de l'est pour échanger un
espion russe contre un soldat américain. Tout ceci se veut tiré d'une
histoire vraie, même si Steven a eu la bonne idée d'arranger ça à sa
sauce pour ajouter humour (très fin, très plaisant et dispersé en
petites touches tout au long du film) et suspense au long-métrage. Les
décors sont magnifiques et réalistes, même s'il parait évident que nous
sommes dans un décor de cinéma. La lumière froide nous fait hérisser les poils et
rajoute au côté envoûtant de l'atmosphère. Mention spéciale à Mark
Rylance, époustouflant en second rôle interprétant l'espion russe, plein
de sang-froid et glacial face à la mort, avec son humour et son
auto-dérision cinglante, qui apporte beaucoup de sagesse et fait
relativiser le personnage principal, ainsi que les spectateurs face aux
petits problèmes de leur vie. On prend un vrai plaisir devant ce film,
également bien rythmé, qui nous éclaire sur les dessous diplomatiques,
sur l'écart abyssal qu'il existe entre l'image qu'un pays veut donner de
lui-même et les moyens qu'il est prêt à mettre en œuvre pour y
parvenir. On retrouve ici le grand Spielberg, porté disparu depuis une
décennie, et c'est peut-être là la meilleure chose du film.
MA NOTE : 3/4
Numéro 2 : It Follows
Cela fait bien longtemps qu'un film d'épouvante ne m'avait pas emballé de la sorte. Le dernier en date était Conjuring, sorti en 2013, qui était basé sur la peur et avait un style très classique. It Follows
apporte une touche nouvelle, un vent de fraicheur à ce genre assez
élimé. Nous suivons une jeune femme, Jay (jouée par la magnifique Maika
Monroe), qui après un rapport sexuel se retrouve poursuivie par une
chose qui peut prendre l'apparence de n'importe qui pour la tuer. La
chose se dirige 24h/24 vers elle. Elle est lente, mais intelligente. Jay
sait par celui qui a refilé la vilaine bestiole que si elle couche avec
quelqu'un d'autre, c'est lui qui sera poursuivi à son tour, et ainsi de
suite. Le film est bien ancré dans son époque : il incite Jay à
contaminer son partenaire lors de rapports non protégés, ce qui laisse
place à de nombreuses interprétations et analyses du film. Le film est
graphiquement sublime, tant les plans sont travaillés, esthétiques,
flippants par ce qu'ils montrent, ce qu'ils suggèrent et ce qu'ils
cachent, toujours intelligemment conçus. La musique, sorte de pop
acidulée post 80s mêlée à de l'électro, donne un air surréaliste au film
et une véritable ambiance propre. Chose rare, le film est dénué des
passages cyniques ou de remise en question du héros par ses
compatriotes, déjà vus et donc souvent lourds, pour se focaliser sur le
cœur de l'action. C'est le bijou de l'année, inattendu, frais, proposé
par le jeune David Robert Mitchell qu'il faudra suivre.
MA NOTE : 3/4
Meilleur Film de 2015 : Vice-Versa
Parmi les quatre derniers films de Pixar, on trouve trois suites (Toy Story 3, Cars 2 et Monstres Academy) et Rebelle, sans doute le moins bon long-métrage de la firme. Ainsi, il faut remonter à 2009 et Là-Haut pour trouver le dernier projet original et à la hauteur de Pixar.
Or, heureuse coïncidence, il se trouve que le très talentueux Pete
Docter en était déjà le réalisateur, lui que l'on retrouve donc ici.
Vice Versa nous offre un voyage dans la tête d'une petite fille que l'on
voit grandir à travers les émotions qui l'animent. ici personnifiées et
véritables personnages principaux du film, on retrouve Joie, Tristesse,
Colère, Peur et Dégoût, chacun étant un véritable stéréotype qui, en
apposant sa marque de fabrique sur les actions de la petite fille, en
fait un être humain complet et unique, comme vous et moi. Si l'humour
est toujours aussi fin et fait mouche auprès d'un public extrêmement
varié, le génie du film réside dans la vision absolument incroyable que
Docter et ses scénaristes ont du cerveau humain. Tout a été pensé,
réfléchi, élaboré pour nous faire voir comment ça se passe dans nos
têtes. C'est vulgarisé, mais on sent qu'il y a une solide base
scientifique derrière l'histoire. L'histoire, justement, est tantôt
inquiétante, tantôt triste, tantôt drôle, mais revêt toujours un grand
intérêt dans l'incroyable découverte de ce monde qui vit à l'intérieur
de chacun de nous. De quoi notre personalité est-elle faite, qu'est-ce
qui compose chacun de nous, pourquoi réagissons-nous comme nous le
faisons aux différentes situations de la vie ? C'est ce à quoi Pete et
son film tentent de répondre, avec brio. Quelque soit votre âge, votre
sexe, votre goût en matière de cinéma, vous devez voir cette perle.
MA NOTE : 4/4
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